Varanasi, la ville où les hindous viennent mourir 2/2
Notre batelier avec en fond, la seule photo du ghât de crémation que nous avons prise, de loin.
Les rites mortuaires
Pour les âmes sensibles, passez ce paragraphe ! Vraiment je suis sincère…
Mourir à Varanasi, est sacré pour les hindous car cela leur permet de casser le perpétuel cercle des réincarnations et d’aller directement au paradis. Quand un corps brûle, les cinq éléments dont il est composé retournent à leur place par le feu, croyance qui vient des écritures sacrées (Védas).
Il y a deux ghâts destinés à la crémation, notre logement se trouve pas très loin du plus important, mais heureusement, nous n’aurons pas eu les odeurs.
Quand quelqu’un meurt ici, le corps est embaumé avec des huiles puis recouverts de fleurs et d’un linceul coloré ; jaune pour les vieillards sans distinction de sexe, blanc pour les hommes ou rouge pour les femmes. Le corps est transporté jusqu’au ghât de crémation sur une civière de bambou par les hommes de la famille, qui récite des psaumes à haute voix. Nous en avons croisé plusieurs lors de nos balades dans le chowk, on les entend arriver de loin. La sensation est un peu étrange.
Le corps est alors plongé dans le Gange, et la famille verse de l’eau du Gange dans la bouche du défunt. L’homme le plus proche du défunt se rase la tête en gardant seulement une mèche de cheveux à l’arrière du crâne. En général, le mari ou le fils ainé. Les femmes ne vont pas sur les ghâts, car c’est une cérémonie réservée aux hommes, pour les « protéger ». Un indien avec qui nous avons discuté, nous a dit qu’à la crémation de sa mère, il avait proposé à ses sœurs de venir, les traditions sont en train d’évoluer.
Puis le corps est disposé sur le bucher qui est prêt. Préalablement, la famille aura acheté le bois nécessaire à la crémation, au minimum 1500 Roupies. Le prix du bois varie selon sa qualité. Il faut environ 350 kg de bois et 3h pour une crémation complète. Certaines familles étant trop pauvre, la crémation est parfois incomplète…
L’homme au crâne rasé, mettra le feu au bûcher en faisant 5 fois le tour de celui-ci. Il est aussi chargé de fracasser le crâne d’un coup de machette pour libérer l’âme du corps.
Les buchers sont placés selon la caste : plus la caste est basse, plus le bucher se retrouve près du Gange. Pour un brahmane (la plus haute caste), la crémation se fait sur une estrade.
Chose étonnante, seuls les intouchables sont autorisés à s’occuper des buchers.
Seuls 4 catégories « échappent à la crémation » : les femmes enceintes, les enfants, les personnes victimes de morsure de cobra (animal sacré) et les vaches. Les corps sont alors immergés dans le Gange et laissés à celui-ci.
On dit que le feu ne s’est jamais arrêté depuis plusieurs milliers d’années. Bénares est aussi appelé Maha Shmashan Puri, « le feu qui ne s’arrête jamais ».
Je ne tenais pas spécialement à assister à ces cérémonies, mais Vincent arrive à me convaincre. C’est quand même une des caractéristiques de cette ville. Nous resterons tout en haut et je regarderai d’un œil seulement car je trouve que les touristes qui s’approchent pour mieux voir c’est assez malsain. Certains viennent en barque, se lèvent et prennent des photos alors que c’est interdit ! Tout en bas, près des buchers, un jeune couple asiatique est amené par un guide, mais la femme semble se sentir très mal à l’aise quand celui-ci les promène au milieu des buchers. Elle fait demi tour.
Le soir nous assistons à la puja, la cérémonie de l’offrande de la lumière au Gange. C’est extrêmement touristique. Un prêtre vient nous mettre un point de pigment rouge sur le front sans qu’on est eu le temps de dire ouf, et nous réclame ensuite de l’argent. Nous discutions avec un indien qui le rembarre gentiment mais fermement. Des femmes vendent des fleurs avec bougies, pour mettre sur l’eau. Certains essaient de nous bénir, mais une fois pas deux, nous refusons, là encore rémunération demandée. Idem pour les bonbons bénis…
Il y a plusieurs autels, préparés à l’avance, tournés vers le Gange. Les prêtres arrivent, ils soufflent dans des coquillages, émettant un son de trompette. Ce sont de jeunes brahmanes, en général, bel homme. Seuls certains brahmanes officient ici, cela se transmet de père en fils. Ils font des gestes rituels, répétitifs, en se tournant à chaque fois d’un quart de tour. C’est comme une chorégraphie dont chaque mouvement a une symbolique précise. Une fois avec l’encens en bâtons, une fois avec un pot d’encens (tout en sonnant une cloche de l’autre main), une fois avec les chandeliers en pyramide, une fois avec les chandeliers à « tête de cobra » tenus à bout de bras et une fois avec un éventail en plumes.
Des fidèles sonnent les cloches pendant toute la cérémonie. C’est joli. Mais très touristiques, les gens s’en vont avant même la fin de la cérémonie. Par contre nous avons pu bien discuté avec un indien, échange intéressant.
Un matin nous décidons de nous rendre à l’Université, le 3e plus grand campus au monde, car il y a un intéressant musée archéologique. Nous aimons marcher, mais ici cela va tenir du parcourt du combattant. Il n’y a pas de trottoirs, nous devons donc marcher sur le bord de la route, parmi vélo, rickshaw, moto, voitures et bus, sans oublier les charettes, les vaches, chiens et biquettes. C’est extrêmement poussiéreux et on sent la pollution, parfois on a du mal à respirer !
D’anciens palais, sur la route de l’Université
Quelques temples de la ville, vus de l’extérieur
Arrivés à la porte du campus, assez fiers de notre aventure, on se dit que nous allons enfin être un peu au calme. Que nenni. Ici la circulation est tout autant agitée. Nous croisons un convoi funèbre, l’hôpital se situe juste à côté. On se pose dans un espace vert, jonché de détritus, c’est dommage car l’endroit pourrait vraiment être agréable. Le calme règne, des couples papillonnent ici et là, quand soudain un groupe de jeunes arrivent en criant, munis d’une sono à la musique criarde et… de la statue d’une divinité. Ils chassent, pas très sympathiquement les gens, nous partons avant qu’ils nous atteignent. Hier a eu lieu la fête de la déesse de la musique et de l’éducation et aujourd’hui ils vont la jeter dans l’eau.
Plusieurs scènes musicales réunissant en grande majorité des enfants, diffusaient de la musique tantôt traditionnelle, tantôt moderne.
Une petite échappée pour visiter Sarnath, ses temples, en ruine datant du 7e siècle, et son musée archéologique. Les étrangers doivent payer 25 fois le prix d’entrée des indiens, ce qui ne représente pour nous que 3,50€. Ils n’ont pas le même pouvoir d’achat que nous c’est sûr, mais si nous faisions cela en France, j’aimerai bien voir la réaction des touristes ! Surtout que certains ont clairement de l’argent : téléphone portable dernier modèle comme le S6, tablettes, etc… Mais bon au début on est compréhensifs (arrivés à Jaïpur on aura vraiment la sensation que les étrangers sont des pigeons). On se dit que c’est bien si toutes les castes ont accès à la culture, même si on y croise essentiellement la classe moyenne et haute.
Malheureusement les photos sont interdites dans le musée, nous avons dû laisser tout l’électronique à la consigne, ce qui ne plait guère à Vincent.
C’est ici que le Bouddha délivra son premier sermon devant ses 5 disciples, après avoir reçu l’illumination à Bodhgaya.
Cette parenthèse agréable sera entachée par une tentative d’arnaque de notre rickshaw : en arrivant il ne veut attendre qu’une heure au lieu des 2 convenus avec l’hôtel ; quand nous revenons de nos visites il a changé l’heure de son téléphone et nous fait croire que cela fait 3h30 qu’il attend au lieu de 2 ; et pour finir il veut qu’on le paie dans la rue au lieu de nous ramener à la guesthouse comme prévu (il appelera le responsable, voyant que nous ne cédons pas). Nous lui tenons tête jusqu’à la fin et paierons ce qui a été convenu, mais une fois de plus les magouilles de l’hôtel !
Notre sentiment en quittant cette ville c’est que la religion est devenue une attraction touristique source de revenue. Mais qu’il n’y a plus vraiment de respect des traditions… Comme dit le guide du routard, on aime ou on déteste Varanasi, mais elle ne laisse pas le voyageur indifférent. Ça c’est sûr !
Quelques photos de nos repas : thalis (avec dal, paneer, raita…), poulet au tandoor, snack de rue et lassi. Ici le lassi est préparé devant nous, les fruits sont pillés dans le yaourt à la main. Cela ressemble plus à un dessert yaourt qu’à une boisson. Bananes, grenade, blueberry, coco, chocolat, un vrai délice pour tous les sens !
Ci-dessus, à droite thalis et à gauche poulet au tandoor. Ci-dessous : snacks de rue
Bonjour mes chéris.
Merci, merci pour toutes ces belles photos et celles de vous, on a l’impression d’y être. C’est vraiment une autre
civilisation, une autre culture. L’arnaque est quand même omni présente.
Prenez bien soin de vous.
Big bisous
Benares est son nom europeanise, Varanasi son nom indien, mais quelle que soit sa denomination, elle est l’une des villes les plus anciennement peuplee du monde. Benares vous surprendra, vous envoutera, vous seduira et changera votre perception de l’Inde et du monde.