Agra et le Taj Mahal
Si notre route passe par Agra, ce n’est pas pour le Fort Rouge, mais clairement pour le TAJ MAHAL. Le monument le plus célèbre de l’Inde, cet édifice sacré, témoignage de l’amour d’un époux pour sa femme. On l’a attendu, on s’y est rendu, en voici notre aperçu.
Nous logeons dans un petit hôtel, le « safari », un peu excentré des monuments, mais avec un personnel adorable, aux petits soins pour nous pendant 4 jours, ça vaut tout le confort !
Par choix, pour être au Taj Mahal aux aurores, parce que ce matin là le réveil a sonné trop tôt (5h30) et que nous nous sommes rendormis, nous débuterons nos visites par le fort rouge ; le Taj Mahal ce sera pour demain ! Je sais que vous vous impatientez, mais ne trichez pas en allant voir plus bas, chaque monument en son temps. 🙂
Nous arpentons cette ville à pieds, un peu trop souvent « harcelés » par les tuktukmen. Parfois les distances sont trompeuses et les marches longues, surtout quand il n’y a pas de trottoirs ! Mais les Indiens le vivent au quotidien alors pour quelques jours, on peut faire cet effort, en plus on goûte au restau de rues. Les galettes röstis avec pois chiches, ketchup, crème et oignons rouges nous rappellent l’Alsace, on en reprendra deux fois !! On garde la forme et les formes comme ça ! Ici les moyens de transports sont très variés : vélo, bus, auto-rickshaw, taxi mais aussi vélo-rickshaw. Ce sont souvent des hommes d’un certain âge qui pédalent pour transporter les touristes. Les sommes pour prendre une course sont parfois dérisoires, ça fait mal au cœur. Nous considérons qu’à notre âge, nous ne pouvons pas faire pédaler quelqu’un de plus vieux que nous pour nous transporter ! L’envie de les aider est pourtant grande.
La ville est assez poussiéreuse et polluée, on sent qu’on en prend plein les poumons !
Un petit résumé d’histoire, pour mieux comprendre les lieux.
La grandeur d’Agra vient des musulmans, plus précisément des empereurs moghols. Le premier, Babur le Conquérant, descendu de ses montagnes afghanes, arrêta sa course victorieuse sur les rives de la Yamuna en 1526 après avoir défait les sultans de Dehli. Il entreprit la construction de jardins à la persane, pour compenser l’atmosphère étouffant de la plaine du Gange et s’y fit couronner en 1530. Si son fils préféra Dehli, son petit fils, Akbar, guerrier insatiable et souverain puissant, choisit Agra au début de son règne et y fonda le fort rouge en 1565, que ses fils et petits fils devaient embellir de palais et jardins. Agra est alors capitale. En 1571, Akbar délaissa Agra pour Fatehpur Sikri. Agra dut attendre 27 années avant que Shah Jahan, le dernier des grands empereurs moghols, ne lui redonne vie. C’est alors que le Taj Mahal fut construit en hommage à son épouse décédée, Mumtaz Mahal.
De tous les souverains de l’histoire qui étendirent leur pouvoir sur terre, Akbar (1542-1605) fut considérer comme l’un des cinq plus grands. En dehors des batailles qu’il remporta, il faut souligner l’ouverture d’esprit de ce descendant de Gengis Khan. Doté d’une grand intelligence politique, bien que quasiment illettré, il entreprit de profondes réformes, tant administratives que culturelles. Il divisa son royaume en grandes provinces en plaçant à leur tête un gouverneur assisté d’un administrateur civil chargé de collecter l’impôt. Conservant le pouvoir absolu, il s’appuya néanmoins sur un conseil des ministres dirigé par un vizir et assouplit le système juridique. En 1563, Akbar le musulman abolit la taxe que devaient payer les pèlerins hindous, mesure révolutionnaire pour l’époque. Il leva les restrictions liées à la construction des temples hindous et rendit illégale la pratique du sati (sacrifice rituel des veuves). Questionnant l’origine divine du Coran, il invita des représentants des grandes religions à débattre devant lui, parmi eux des jésuites de Goa. De leurs échanges, il tira sa propre « religion de la lumière », syncrétisme empruntant à l’islam, au christianisme et surtout au jaïnisme. Sa tentative de promouvoir cette philosophie comme facteur d’unité de l’empire échoua.
Le fort rouge
Le fort rouge donne un bon aperçu de la puissance et de la richesse de cet empire moghol qui domina presque toute l’Inde au 17e siècle. L’armée actuelle occupe encore la partie ouest du fort.
Les remparts, en grès rouge, hauts de 21m et longs de 2,5 km dominent la Yamuna. Quatre générations d’empereurs ont régné ici sur près d’un siècle : Akbar, Jahangir, Shah Jahan et Aurangzeb. Quelques 4000 ouvriers y travaillèrent pendant 8 ans. Shah Jahan fit détruire le palais d’Akbar pour le remplacer par ceux que l’on voit aujourd’hui. Usurpant son pouvoir, son fils Aurangzeb, l’y emprisonna en 1658, pour régner à sa place. Pendant 8 ans, jusqu’à sa mort, le vieil homme put contempler, de sa fenêtre, le Taj Mahal, où reposait sa bien aimée.
Un lieu riche en histoire donc !
Nous pénétrons par l’Amar Singh Pol (Pol signifiant porte), autrefois réservée à l’empereur Akbar.
Une seconde porte aux deux tours rondes, débouche sur une longue rampe à éléphants. Quand les ennemis parvenaient jusque là, eau et huile bouillante leur étaient jetés dessus.
Le premier palais Jehangiri Mahal, en grès rouge, bâti en 1565-69, mêle style hindou et musulman, un hommage aux religions des différentes épouses de l’empereur. Alternant cours aux arcades, salles avec piliers, terrasses, dédale de passages et de corridors, on s’y perd avec plaisir, surtout qu’il y fait frais. De beaux motifs géométriques ornent les murs.
Par une porte on arrive au Khas Mahal (1631-1640), palais de marbre et de grès rouge, somptueux, construit par Shah Jahan pour ses deux filles préférées. De là une magnifique vue sur le Taj Mahal et la rivière… Ouah c’est un moment magique ! Nature mêlée d’architecture historique !
ATTENTION…. VOILA LA TERRASSE AVEC VUE SUR ….
Le Diwan-i-Khas (1635) est une structure ouverte sur trois côtés, toute en marbre, où Shah Jahan recevait monarques, ambassadeurs et autres ministres. Colonnes de marbre.
On s’y perd tellement que c’est difficile de se repérer !
Le Diwan i Am, salle des audiences publiques est constituée d’une belle loge surélevée, d’où l’empereur s’adressait à la noblesse et au peuple. On le croirait en marbre, mais en réalité, elle est faite de grès rouge plaqué de plâtre !!
Nous nous reposons au frais dans le jardin avant de sortir.
Plutôt beau même si les intérieurs sont vides, beaucoup de marbre et surtout une belle vue sur le Taj Mahal.
A notre retour nous découvrons une supérette, la première que l’on trouve en Inde, on en profite pour y faire quelques emplettes !
Cette ville semble être celle des mariages : en chemin un mariage est célébré dans une maison, plein de lumières, charrettes décorées avec chevaux, grandiose ! Ailleurs, l’entrée d’une salle ornée de fleurs et de ballons. Le lendemain de retour à l’hôtel, un mariage a lieu dans la cour voisine, le patron nous invite à monter sur le toit pour voir les festivités. Riches en musique, l’épouse est entourée de ses amies et femmes de la famille, tandis que le mari parle avec ses amis sans lui prêter gare. Ah le bonheur des mariages arrangés ! Les festivités finissent tôt, à 23h, tout est fini.
La cuisine de l’hôtel est délicieuse : riz au cumin, bundi raita (yaourt avec coriandre et petits morceaux de pates), aloo Gobi (curry de patates et chou fleur), lassi, toast tomate cheese (oui on craque un peu des épices). La seule fois où nous lui ferons défaut pour aller manger du poulet dans un restaurant « un peu chic » conseillé par le Routard, nous nous régalerons, mais Delphine sera malade pendant plus de deux jours et Vincent pas au top !!!! Ce sera une bonne leçon pour nous. Nous éviterons les restaurants pour touristes et préférerons petites adresses bon marché !
LE TAJ MAHAL
AHHHHH enfin ! On se lève aux aurores, pou y être à l’ouverture à 6h. 2km de marche au réveil, ça réchauffe. Ah oui parce qu’ici c’est aussi l’hiver et les matins et soirées sont frais, un gilet est souvent de rigueur. En plus de la grande écharpe pour cacher les formes féminines, histoire de ne pas attiser les regards de ces monsieurs et aussi de respecter la tenue vestimentaire indienne. A notre arrivée, les guichets sont encore fermés mais il y a déjà une petite queue au guichet pour étranger (un seul contre 4 pour les indiens). Bien renseignés par la française de Khajuraho, je prends la file « ladies » où il n’y a personne ! Tout le monde fait la queue côté « gent » hihihi. Un seul guichet pour les deux files, et le guichetier me fera passer en premier, galanterie oblige. Un bon gain de temps. On récupère sur-chaussures, nécessaires à l’intérieur du sanctuaire et bouteilles d’eau offertes et rebelote deuxième queue, toujours même principe, hommes/femmes/indiens/étrangers. Ils attendent que le soleil soit levé pour ouvrir les portes, on trépigne d’impatience et surtout un peu deg de louper le lever de soleil sur le Taj Mahal. Les horaires d’ouverture sont un peu aléatoires apparemment…Check de sécurité, certains gardiens obligent des touristes à déposer leur sac à dos à la consigne alors qu’ils viennent de faire tout la queue, pendant que d’autres passent avec des sacs plus gros, c’est vraiment à la tête du client ! Une pointe de racisme ou de jalousie aussi ? Bref, tous les contrôles pointilleux passés : nourriture, boissons autre que l’eau, couteaux, cigarettes, briquets, stylos et feutres de couleurs, appareils électriques, jeux de cartes sont interdits et donc confisqués ! On pénètre enfin dans ce lieu mythique, par une porte de grès rouge.
Nous resterons un long moment à profiter du lieu, entourés de nombreux touristes, mais cela reste magique. C’est vrai que c’est grandiose.
On avance lentement vers le sanctuaire, découvrant de nouveaux détails. Deux piliers sont en restauration.
Pour la petite histoire dans les années 1980, le Taj commença à prendre une teinte jaunâtre, victime des émanations de dioxyde de souffre des usines chimiques et tanneries de la région. Les autorités décidèrent alors de fermer plus de 200 usines et le trafic automobile fut interdit autour de la vieille ville. Aujourd’hui une autre menace se dessine : déstabilisé par l’assèchement de la rivière Yamuna et l’affaissement de la nappe phréatique, surexploitée, il commence à se fissurer, certains annoncent même un risque d’effondrement des minarets ! Bien contents de le voir maintenant.
Un geste d’amour : la légende veut que le Taj Mahal soit dédié à l’amour. La disparition de Mumtaz Mahal, sa 3e épouse, muse et compagne de tous les instants, d’une beauté légendaire, morte en donnant naissance à leur 14e enfant, laissa le cœur du monarque dévasté. Fou de chagrin, il fit vœu de construite un momnument à sa mémoire qui n’ait pas son pareil au monde. Il aurait convoqué un architecte perse, le plus célèbre et tué sa fiancée. Comprenant alors la terrible douleur du sultant, l’architecte fut capable d’imaginer le Taj Mahal…. 17 ans de labeur et plus de 20 000 artisans venant des quatre coins du monde selon la légende.
Tout en marbre blanc du Rajasthan, enluminé d’inscriptions calligraphiques, motifs végétaux… Tout est symétrique par rapport au tombeau de la belle, tout sauf le tombeau du sultan. Car son fils, peu désireux d’assumer le coût du mausolée que son père avait entrepris de l’autre côté de la Yamuna, fit placer le cénotaphe de Shah Jahan à côté de celui de sa femme, déséquilibrant la symétrie de l’intérieur.
Fleurs de lotus, jasmins, chrysanthèmes, fushias, en pierres précieuses et semi précieuses (rubis, jade, agate, corail, lapis lazuli…) les couleurs sont magnifiques, encore plus quand on les éclaire à la lampe. Ci-dessous l’intérieur du tombeau.
Pour profiter du calme du lieu, une pause sur un banc dans le jardin. De petits écureuils viennent nous manger dans la main. Les jardiniers s’activent tranquillement pour préserver la beauté du lieu. A 11h, la séance bronzage terminée, nous allons au musée du Taj. On découvre alors que les bassins commencent seulement à être remplis d’eau. On en profitera pour faire de belles photos avec reflets après notre visite du musée !
Le Musée : Les photos sont interdites mais je partage quand même ! Portraits peints sur ivoire, très fins. Belles peintures du 17e. Les peintures mogholes datent de l’empereur Humayun, qui les a apportées d’Iran, art persan, mais la vraie école de peintures mogholes fut créée par Akbar. JAHANGIR artiste 1605-1627 a peint des œuvres d’art ayant pour thème : plantes, oiseau, tigres, musique, amoureux. Influence européenne évidente à cette époque. Pendant le règne de Shah Jahangir les peintures mogholes atteignent la perfection. GOVARDHAN : peintre de cette époque. Les peintures Mogholes sont décadentes à la mort de Shah Jahan. Pièce de 200€ en or faite en l’honneur du Taj Mahal par l’Unesco, à Paris en 2010.
Les heures passées dans ce lieu, loin du tumulte urbain, nous ont reposés un peu. Un beau moment !
En allant à la gare acheté nos billets de train pour Jaïpur, visite du bazar et vue sur la grande mosquée du vendredi depuis une passerelle de la gare. Une poste où les employés sont très sympas, achats de timbres ! c’est parfait.
Agra est une ville très animée, bruyante et toujours en mouvements, peut être un peu trop à notre goût, mais le Taj Mahal valait le détour !